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Carnets de route

Zator – Nowy Sacz

Krakow était notre leitmotiv depuis un moment. Notre espoir de réaliser de grandes choses : laver les vêtements dans une buanderie, acheter un petit sac à dos pour nos journées de visite à pied, visiter, trouver un oreiller pour Ronan, envoyer les multiples cartes routières et livres lus qui s’accumulent, acheter de multiples cartes et livres pour remplacer ceux envoyés, réparer la tente et réviser les vélos, répondre aux courriels, acheter un bateau à Elouan tel que promis, et enfin me trouver un vêtement plus adapté. J’ai beau m’empiffrer de beignets et autres pâtisseries lors de nos pauses goûter, moment préféré de la journée, je flotte de plus en plus dans mes pantalons.

Malheureusement, le temps ne s’est pas arrêté comme nous l’espérions. Les six jours d’arrêt sont vite passés, nous laissant avec notre longue liste, seulement à moitié rayée. N’ayant pas trouvé de friperie, j’ai décidé de changer de stratégie et de remplir à nouveau mes habits en optant pour davantage de saucisses et de beurre. Il semble que nos kilos de tomates, concombres, pain et fromage quotidiens ne suffisent pas. Pour la première fois de ma vie je rêve de manger gras ! Mon corps réclame du saindoux, de la crème, des beignets de pomme de terre fris et autres produits naturels. Je mange comme je n’ai jamais mangé (les parents de Ronan peuvent en témoigner), soit au moins deux fois plus que d’habitude, entrant en compétition directe avec Ronan pour savoir qui finira l’assiette d’Elouan et le petit pot de Yanaël.

Notre séjour à Krakow n’aura toutefois pas été très gastronomique. Nous sommes restés loin des restaurants et café servant d’appétissants repas. La ville est beaucoup plus cher que le reste du pays ( notre budget a littéralement doublé, passant de 20 à 40 euros journaliers), mais ô combien belle ! Le vieux centre, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, attire de nombreux touristes. Il s’agit d’une des places centrales médiévales les plus grandes d’Europe. Très bien entretenus, les monuments classés, tranchent cependant avec le reste de la ville. La plupart des édifices ne semblent pas avoir été restaurés depuis plusieurs dizaines d’années. La pierre est noircie, les peintures absentes par grands pans de mur. Le contraste avec la propreté et la magnificience de Prague nous a d’abord frappé. Mais j’étais contente de trouver ces ambiances rudes, témoignant d’un passé et d’un présent pas toujours glorieux. Ça nous rappelle un peu Nevers (ahahah !)…

La visite de la ville nous a laissé un peu sur notre faim. Les conditions n ‘étaient pas très favorables pour de longues balades. Il a fait très chaud et nous étions accompagnés d’un petit animal bruyant, pleurnichant sans arrêt des « jeeee suiiiiis faaaatiiiiiguéééééé ». Nous avons donc passé beaucoup de temps en ville, assis dans des parc à l’ombre pour permettre à Elouan de se reposer. Ses deux siestes quotidiennes dans le chariot lui manque très vite lorsque nous sommes à l’arrêt. Ses moments de bonheur ont plutôt eu lieu au camping où nous avons passé pas mal de temps, profitant d’un bel espace arboré et d’une connexion internet. Il s’est fait copain avec le plus jeune garçon d’une sympathique famille allemande. Il a joué et rigolé à en perdre haleine. C’était beau de le voir aussi heureux. Ses dernières tentatives auprès d’enfants polonais dans quelques camping étaient restés vains.

Pendant ce temps nous avons pu faire des recherches pour planifier un peu notre route des prochaines semaines. Si nous ne changeons pas d’idée, nous devrions continuer en Pologne jusqu’au parc naturel Bieszczadzki, à l’extrême sud-est. Ensuite, nous devrions faire un petit crochet par la Slovaquie pour nous permettre de traverser en Ukraine. Ne faisant pas partie de l’Union Européenne, les routes pour passer la frontière sont peu nombreuses et nous obligent à bifurquer au sud avant de continuer vers l’est. D’ici là nous repérons surtout les lacs et autres endroits sur la carte où nous pouvons nous baigner. Il a fait très chaud ces trois derniers jours (39 degrés hier). Faute de lac, nous avons visité une mine de sel à Bochnia mercredi, la plus vieille de Pologne, datant du XIII siècle. Il faisait 15 degrés à l’intérieur. Petite pause fraîcheur à 340 mètres sous terre.

Sandrine

(à la demande de ma mère nous signerons désormais nos textes. Il semble que ce ne soit pas toujours évident de savoir qui rêve de manger des saucisses ou de voyager sans les enfants…)

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Otmuchow – Zator

100 jours – 2613km

Nous poursuivons notre découverte de la Pologne avec une semaine placée sous le signe des rencontres.

Nous avons notamment eu droit à une première approche dans un bar avec un polonais (très) imbibé. Voulant offrir deux bananes aux enfants, il s’est littéralement effondré sur la table en renversant mon café. Penaud, il est revenu quinze minutes plus tard avec deux grosses peluches que nous ne pouvions pas refuser malgré le peu de place disponible dans le chariot. Au final, ce monsieur nous a bien parlé pendant deux heures. Il avait certainement des choses importantes à nous dire mais il ne parlait que polonais. Nous avons seulement pu comprendre qu’il aimait dessiner des femmes dénudées et à la question « Police Vodka Problem », il a répondu par l’affirmative en injuriant les policiers.

Le lendemain, c’est un autre monsieur – Sigmunt – qui nous a abordé à l’épicerie et nous a proposé de venir prendre un café chez lui. Ce fut déjà un peu plus facile de communiquer. Avec nos rudiments d’allemand, nous avons pu en apprendre un peu plus sur la vie de ce monsieur. Comme bon nombre de jeunes polonais, ces 3 enfants sont partis travailler à l’étranger, profitant de l’ouverture des frontières. Nous étions tellement contents de cette invitation. La première depuis un long moment. Là encore, Elouan est reparti avec une grosse peluche et des lunettes de plongée.

Puis, mercredi dernier, Sandrine est partie se renseigner pour savoir si nous pouvions camper sur un terrain. Le monsieur lui a gentiment proposé que nous plantions la tente dans son jardin. Comme souvent dans ce genre de situation, ils nous ont finalement offert le repas et la douche (!?). Une autre belle rencontre avec Gregor, Myrka et leur fils Sajmon. Gregor est un ancien mineur en retraite depuis un mois. Ils habitent une belle maison dans la banlieue de Zadrejdie Droj. La région où ils habitent – la Silésie – compte encore beaucoup de mines de charbon actives et fait vivre des centaines de milliers de polonais. Ce fut une soirée très intéressante. Parlant anglais, nous avons pu comprendre un peu mieux ce pays. J’ai pris réellement conscience en discutant avec cette famille de l’incroyable histoire contemporaine polonaise. C’est à côté de Zadrejdie Droj qu’a eu lieu un des épisodes les plus sanglants de l’état de siège instauré en Pologne au début des années 80. Les opérations de pacification ont entraîné la mort de dizaines de mineurs. Gregor nous expliquait qu’il avait fuit le pays à la fin des années 80 car il n’y avait aucune perspective possible à cette période. Il est revenu en Pologne après la chute du mur.

Encore une fois, le chariot s’est alourdi de jouets pour Elouan au moment de notre départ. En fin de journée, c’est une vieille dame à vélo voulant nous montrer le chemin pour le lac qui nous a conduit chez elle et nous a offert un thé et du corned beef. Othelia et Jan ne parlant pas un traître mot d’anglais ou d’allemand, nous n’avons pas pu dialoguer. Ce fut tout de même une rencontre touchante avec ce couple d’octogénaires un peu inquiets pour nos enfants. Sans que nous puissions nous y opposer, Othelia a servi à Elouan son premier thé sucré et a donné une grosse tartine de beurre à Yanaël. Nous sommes repartis de chez eux avec une photo du Pape Jean-Paul II.

Des rencontres riches, fréquentes qui nous font apprécier ce pays. Pour le reste, ayant décidé de prendre le chemin le plus court pour Krakow, nous traversons une des zones les plus industrialisés d’Europe. C’est une région riche, les maisons sont neuves et bien entretenues mais c’est très urbanisé avec beaucoup de villes nouvelles construites dans les années 70. Avec l’apparition du capitalisme se sont maintenant des centres commerciaux qui jouxtent les grands ensembles communistes.

Samedi, nous avons fait halte à Auschwitz, l’itinéraire cyclable que nous suivons passait par là. Ce fut très particulier. Nous n’avons rien vu des camps de concentration et nous nous sommes posés la question de savoir si nous devions passer devant. Nous n’aurions bien sûr pas été à l’intérieur avec Elouan. De savoir que cela existe, d’entendre les trains passer sur les mêmes rails nous suffit. Les cars de touristes et le fast food à l’entrée du Musée d’Auschwitz nous ont quand même fait une drôle d’impression.

Paradoxalement, l’endroit est vraiment très touristique. Le camping ne comptait pas moins de 6 voyageurs à vélo alors que nous n’en avons quasiment pas croisé jusqu’ici. Lans, un cycliste américain a été visiter les camps. Il en est ressorti profondément affecté. Il nous expliquait qu’on pouvait encore voir une salle remplie de souliers d’enfants, que la visite se poursuivait à l’intérieur des chambres à gaz. Les guides communiquent tous les détails du fonctionnement du camp. Il a lui-même longtemps hésité à faire cette visite. Il nous disait qu’une amie suédoise ne conseillait à personne cette expérience difficile qui marque pour toujours l’esprit humain.

Cela fait maintenant 100 jours que nous sommes partis de Nevers. L’heure de tirer un premier bilan de ce voyage. Nous passons dans l’ensemble d’agréables moments mais tout n’est pas si simple. L’essentiel de nos journées de repos sont consacrées au lavage du linge que les enfants salissent en un clin d’oeil. Notre machine à laver nous manque. J’envie secrètement les couples de voyageur à vélo et me dit quel plaisir cela doit être de voyager léger, d’avaler les kms et de pouvoir passer ses journées de repos à se reposer vraiment. Avant de partir, j’envisageais ce voyage un peu comme des grandes vacances. Ce n’est pas aussi simple que cela, nos obligations familiales ou sanitaires font surface assez rapidement. Ça c’est pour le côté noir du tableau.

On a quand même la chance de passer beaucoup de temps avec nos enfants, nous faisons de belles rencontres et nous découvrons des pays que nous souhaitions voir depuis longtemps.

Beaucoup de gens semblaient s’inquiéter du moral d’Elouan mais notre petit bonhomme se porte bien. Offrez lui une glace ou un endroit pour se baigner et il retrouve le sourire instantanément. Il n’est pas difficile. Quelques petits instants de bonheur grappillés ça et là le comblent. Ça c’est pour le côté humain.

Côté matériel, notre château commence à être un peu fatigué de ses montages démontages multiples. Un premier arceau a lâché et en attendant de trouver une solution, nous avons plus ou moins condamné la grande abside. Cela donne à nos bivouacs un air de camp de romano.

Nous nous rapprochons tout doucement de Krakow où nous devrions nous arrêter quelques jours. Nous sommes à une cinquantaine de kilomètres. Nous avons attendu que la vague de chaleur passe. Hier, il faisait 37°C mais ils annoncent un peu moins chaud à partir d’aujourd’hui.