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À l’attaque des Carpates !

Notre dernière semaine en Pologne nous aura confirmé à quel point ce pays est attachant et vaut le détour.

Nous avons d’abord eu droit à de magnifiques paysages. Après les régions assez industrialisées de Silésie et de Malopolska, nous sommes arrivés dans une des régions les plus sauvages de Pologne. Les Beskid Niski sont certainement un des plus beaux coins que nous ayons traversé jusqu’ici. Des petites montagnes boisées à perte de vue, des villages typiques, des routes sans voiture, des églises en bois tous les dix ou quinze kilomètres, une épicerie tous les vingt kilomètres. Un vrai paradis pour nous.

Nous avons également eu la chance de faire de belles rencontres qui nous ont permis d’avoir une lecture un peu plus précise de la région. Artur, un prêtre qui nous a proposé de planter la tente dans son jardin nous a raconté longuement l’histoire de cette région. Nous avons appris que les montagnes de Beskid Niski ont été peuplées par des bergers orthodoxes itinérants venant d’Ukraine et de Russie. Ils se sont progressivement installés dans cette région à partir du XV siècle et y ont apporté leurs coutumes et traditions, à savoir le cyrillique et l’orthodoxie. Ils ont été surnommés plus tard les Lemkos et c’est eux qui ont construit ces si belles églises en bois. Leur histoire est pourtant tragique. À la fin de la seconde guerre mondiale, les cartes ont été rebattues et les frontières redessinées. Cette région qui appartenait à l’Ukraine est devenue polonaise. Mécontente, l’Armée Révolutionnaire Ukrainienne a continué à sévir dans la région pendant deux ans. En guise de représailles, le gouvernement Polonais a décidé de déplacer l’ensemble des Lemkos soit environ 200 000 personnes. Ils n’avaient pourtant pas grand chose à voir avec ce conflit. Les villages abandonnés ont été détruits et les matériaux récupérés ont servis à la construction des kolkhozes dont on peut encore voir les traces dans la région. Ne subsistent de ces villages que les cimetières abandonnés et quelques vestiges.

C’est finalement ça aussi de voyager à vélo. J’ai parfois l’impression d’avoir un grand livre d’histoire et de géographie ouvert devant les yeux et de découvrir des nouvelles pages de l’histoire de l’Europe de l’est au fil des rencontres et des lectures.

Avant cette rencontre avec Artur, nous avons eu droit à d’autres beaux moments de convivialité. À Rajbrot, alors que nous demandions la permission de planter la tente dans un champs, c’est la moitié du village qui s’est mis en tête de nous trouver un toit pour la nuit. Après bien des tergiversations, nous avons finalement atterri chez Josef, un polonais qui fait les vendanges chaque année en France depuis vingt ans. Ce fut assez spécial. Nous n’avons pas vraiment pu parler avec lui. Il s’est rapidement retiré dans ses appartements nous laissant la maison à disposition. Nous ne saurons jamais si c’était de la politesse ou de la timidité.

Le lendemain, nous nous sommes fait arrêter au sommet d’une côte par une gentille dame Bogumila. Elle nous a d’abord offert un verre d’eau mais rapidement les plats se sont succédés sur la table sans que nous puissions dire un mot. Nous avons d’abord eu droit à une soupe, puis une assiette de fromage et de pâté, du pain, des œufs, des concombres et des tomates, des pommes séchées et des gâteaux pour accompagner notre café. Ce fut un peu déroutant, surtout que notre hôte n’a pas voulu nous accompagner pour ce festin, elle nous a simplement regardé manger. Nous avons passé une partie de l’après midi avec eux sur leur magnifique terrasse avec vue sur les montagnes avoisinantes. Elle et son mari sont producteurs de concombres et propriétaires d’une très grande exploitation agricole.

Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. La semaine dernière, alors que les Carpates nous sont tombées dessus un peu par hasard, je ne voulais plus avancer. Marre de monter ces côtes à 12 % qui vous cassent les jambes sous un soleil de plomb. C’est sûr, c’est beau la montagne mais je peux vous dire que nous n’en voyons plus beaucoup des cyclistes dans ces recoins montagneux. Nous avons donc procédé à une réorganisation drastique des sacoches à Nowy Sacz. Résultat, 12kg de matériel renvoyé en France : mon porte bagage avant, mes deux sacoches avant, des pièces de rechange pour les vélos, du matériel électronique, un tarp, un thermos, le sac de couchage de Yanaël et plusieurs livres et cartes que nous n’avions toujours pas renvoyés. Nous avons cependant gardé notre petite cafetière dont je ne me séparerai pour rien au monde. Je suis le grand gagnant de cette cure d’amaigrissement. Me voilà léger comme une plume avec mes 55 kg de bagages.

Nous avons quitté la Pologne vendredi pour nous rendre en Slovaquie. Nous n’aurons malheureusement pas le temps de découvrir en profondeur ce petit pays que nous allons traverser rapidement. Ce fut pourtant un véritable choc à notre arrivée à Medzilaborce à 10km de la frontière polonaise. Une vingtaine de tziganes sont venus nous entourer pour voir de plus près notre attirail et nous poser des questions sur notre voyage. Ils avaient l’air gentil mais leur attitude un peu frondeuse nous a déstabilisée. Pour la première fois depuis que nous sommes partis, nous trouvons nos enfants propres à côté de ceux que nous voyons. La Slovaquie abrite une des plus grande communauté tzigane d’Europe Centrale. Elle représente près de 10 % de la population. Dans cette région reculée où sévit déjà un fort taux de chômage pour « l’homme blanc », les populations Roms sont privées de tout, exclues de toute possibilité. il existe dans ces villes et villages, de nombreux ghettos, fruits de la fin de l’industrialisation.

À Medzilaborce, il y a aussi un musée consacré à Andy Warhol. Sa mère a vécu dans les environs avant de partir pour les états-Unis. Apparemment, on peut y voir les lunettes et la veste d’Andy. Je me suis demandé si la vie était plus facile à supporter quand on avait Andy Warhol comme référence. Est ce que tous les jeunes de cette région rêvent de devenir le nouveau Warhol ?

Nous sommes au camping de Snina depuis samedi, à 30km de la frontière ukrainienne. Nous ne savons pas trop combien de temps nous allons rester ici. Sandrine souffre du coccyx depuis quelques semaines et s’inquiète un peu pour la suite. Nous espérons que quelques jours de repos lui permettent de remonter en selle.

Ronan.

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Zator – Nowy Sacz

Krakow était notre leitmotiv depuis un moment. Notre espoir de réaliser de grandes choses : laver les vêtements dans une buanderie, acheter un petit sac à dos pour nos journées de visite à pied, visiter, trouver un oreiller pour Ronan, envoyer les multiples cartes routières et livres lus qui s’accumulent, acheter de multiples cartes et livres pour remplacer ceux envoyés, réparer la tente et réviser les vélos, répondre aux courriels, acheter un bateau à Elouan tel que promis, et enfin me trouver un vêtement plus adapté. J’ai beau m’empiffrer de beignets et autres pâtisseries lors de nos pauses goûter, moment préféré de la journée, je flotte de plus en plus dans mes pantalons.

Malheureusement, le temps ne s’est pas arrêté comme nous l’espérions. Les six jours d’arrêt sont vite passés, nous laissant avec notre longue liste, seulement à moitié rayée. N’ayant pas trouvé de friperie, j’ai décidé de changer de stratégie et de remplir à nouveau mes habits en optant pour davantage de saucisses et de beurre. Il semble que nos kilos de tomates, concombres, pain et fromage quotidiens ne suffisent pas. Pour la première fois de ma vie je rêve de manger gras ! Mon corps réclame du saindoux, de la crème, des beignets de pomme de terre fris et autres produits naturels. Je mange comme je n’ai jamais mangé (les parents de Ronan peuvent en témoigner), soit au moins deux fois plus que d’habitude, entrant en compétition directe avec Ronan pour savoir qui finira l’assiette d’Elouan et le petit pot de Yanaël.

Notre séjour à Krakow n’aura toutefois pas été très gastronomique. Nous sommes restés loin des restaurants et café servant d’appétissants repas. La ville est beaucoup plus cher que le reste du pays ( notre budget a littéralement doublé, passant de 20 à 40 euros journaliers), mais ô combien belle ! Le vieux centre, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, attire de nombreux touristes. Il s’agit d’une des places centrales médiévales les plus grandes d’Europe. Très bien entretenus, les monuments classés, tranchent cependant avec le reste de la ville. La plupart des édifices ne semblent pas avoir été restaurés depuis plusieurs dizaines d’années. La pierre est noircie, les peintures absentes par grands pans de mur. Le contraste avec la propreté et la magnificience de Prague nous a d’abord frappé. Mais j’étais contente de trouver ces ambiances rudes, témoignant d’un passé et d’un présent pas toujours glorieux. Ça nous rappelle un peu Nevers (ahahah !)…

La visite de la ville nous a laissé un peu sur notre faim. Les conditions n ‘étaient pas très favorables pour de longues balades. Il a fait très chaud et nous étions accompagnés d’un petit animal bruyant, pleurnichant sans arrêt des « jeeee suiiiiis faaaatiiiiiguéééééé ». Nous avons donc passé beaucoup de temps en ville, assis dans des parc à l’ombre pour permettre à Elouan de se reposer. Ses deux siestes quotidiennes dans le chariot lui manque très vite lorsque nous sommes à l’arrêt. Ses moments de bonheur ont plutôt eu lieu au camping où nous avons passé pas mal de temps, profitant d’un bel espace arboré et d’une connexion internet. Il s’est fait copain avec le plus jeune garçon d’une sympathique famille allemande. Il a joué et rigolé à en perdre haleine. C’était beau de le voir aussi heureux. Ses dernières tentatives auprès d’enfants polonais dans quelques camping étaient restés vains.

Pendant ce temps nous avons pu faire des recherches pour planifier un peu notre route des prochaines semaines. Si nous ne changeons pas d’idée, nous devrions continuer en Pologne jusqu’au parc naturel Bieszczadzki, à l’extrême sud-est. Ensuite, nous devrions faire un petit crochet par la Slovaquie pour nous permettre de traverser en Ukraine. Ne faisant pas partie de l’Union Européenne, les routes pour passer la frontière sont peu nombreuses et nous obligent à bifurquer au sud avant de continuer vers l’est. D’ici là nous repérons surtout les lacs et autres endroits sur la carte où nous pouvons nous baigner. Il a fait très chaud ces trois derniers jours (39 degrés hier). Faute de lac, nous avons visité une mine de sel à Bochnia mercredi, la plus vieille de Pologne, datant du XIII siècle. Il faisait 15 degrés à l’intérieur. Petite pause fraîcheur à 340 mètres sous terre.

Sandrine

(à la demande de ma mère nous signerons désormais nos textes. Il semble que ce ne soit pas toujours évident de savoir qui rêve de manger des saucisses ou de voyager sans les enfants…)